
Publicité positive : 10 actions pour embarquer les foules

Outil de communication de masse par excellence, la publicité a une grande influence sur nos modes de vie et de consommation. Et cela lui vaut pas mal de critiques.
Mais devant l’urgence écologique, la publicité n’a-t-elle pas un rôle à jouer pour embarquer les foules ? Peut-elle être plus « positive » ? Comment en faire un allié de la transition écologique ? On a notre petite idée là-dessus. Suivez-nous !
Vous l’avez peut-être remarqué : ces dernières années, la publicité n’a pas bonne presse. Dans un contexte de crise énergétique, et alors que l’urgence climatique se fait de plus en plus prégnante, la critique de la pub s’est intensifiée. De plus en plus de voix s’élèvent pour appeler à des changements dans le secteur. Des collectifs citoyens anti-pub, mais aussi la Convention Citoyenne pour le Climat, le GIEC, ou – plus surprenant – des publicitaires eux-mêmes, dénoncent ses excès, qui alimentent un modèle de consommation de masse posant de multiples défis écologiques, sanitaires et sociaux et réduit notre « temps de cerveau disponible ».
Dans ce secteur très concentré (en 2019, moins de 500 annonceurs contrôlaient les 2/3 du marché), les annonceurs historiques cherchent une parade : on voit ainsi fleurir des discours de greenwashing sur l’engagement de marques, de compagnies aériennes qui sauvent la planète ou de lessives qui lavent plus vert que vert.
La dissonance est telle qu’une profonde « crise de sens » traverse les professionnels de la communication aujourd’hui. Tiraillé par des questions éthiques nouvelles, le secteur s’interroge : quel rôle la publicité peut-elle (encore) avoir à l’heure de la transition écologique ?
“La publicité est récupératrice : elle ne crée pas, elle amplifie ;
elle n’invente pas, elle diffuse.”
~
Armand Dayan
En tant qu’outil de communication de masse, la publicité est le reflet de notre société et a le pouvoir d’amplifier considérablement les messages et leur portée. Employée à bon escient, elle peut donc influencer grandement les comportements. Et devenir un formidable accélérateur de la transition écologique.
Mais attention, pas sans une révolution préalable dans le secteur. Or c’est peut-être à nous, professionnel.les de la communication et du marketing, qu’il revient de la mener. Comment ? En commençant par ces 10 actions à portée de celles et ceux qui veulent s’engager.
1. Comprendre les enjeux éthiques de la publicité

Avant toute chose, pas d’engagement dans la publicité sans un regard éclairé et une démarche pleinement consciente. La première action des communicants est donc de se poser la question de la chaîne de responsabilité du secteur et de ses impacts.
Et ça tombe bien, un outil amusant existe depuis peu : c’est la Fresque de la Publicité. Créée par Youmatter en septembre 2022, cette fresque sectorielle est la nouvelle venue dans la grande famille des Fresques. Elle s’adresse à toute la chaine de valeur de la pub, des annonceurs aux médias, en passant par les agences, les freelances ou les régies.
Il s’agit d’un atelier de 2h, qui se pratique en entreprise, en présentiel ou en ligne. Un bon début pour mieux appréhender les enjeux – et pourquoi pas, les faire connaître à son tour – avant de se lancer dans le bain de la publicité positive. On peut d’ailleurs ensuite devenir « fresqueur-euse » et embarquer d’autres entreprises, moyennant une formation d’une journée.
2. Se former à la communication responsable

Maintenant que vous en savez plus sur la publicité, prenons un peu le large. Pour apprendre à faire mieux, il faut d’abord avoir les bonnes références. En voici deux incontournables pour aller vers une publicité responsable.
D’abord, « Le guide de la Communication Responsable », édité par l’ADEME. C’est LA bible des communicants responsables. Elle aborde des thèmes aussi vastes que la lutte contre le greenwashing, l’écoconception de tous les supports, la communication de crise, les nouveaux récits, le combat contre les stéréotypes, les fake news, la résilience des territoires ou encore la transformation des entreprises… La nouvelle édition, toute fraîche, est sortie en octobre 2022.
Autre référence en la matière : le « Code de déontologie » de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (A.R.P.P.). Disponible gratuitement en ligne, il permet de s’assurer que le discours que véhicule la publicité ne trempe pas dans de mauvaises pratiques. Greenwashing, surconsommation de biens, gaspillage de ressources… Les recommandations se concentrent ici sur le message, les mots, les images utilisés par les publicitaires et proposent des règles générales et par secteurs d’activité. La “Communication publicitaire numérique” a été mis à jour en 2021, le “Développement durable” en 2020.
3. Réduire l’impact de ses campagnes

Parce qu’on ne peut pas délier le fond de la forme : faire de la publicité autrement implique aussi de questionner l’impact socio-environnemental de ses campagnes et de chercher à le réduire. Or, qui dit écoconception dit aussi outils de mesure, pour pouvoir faire des choix.
L’agence Secoya a par exemple développé un calculateur d’empreinte pour la production de film. L’outil, baptisé SecO2, permet entre autre de mesurer l’impact d’un film publicitaire en équivalent CO2, du costume au montage en passant par le décor, le matériel ou le chauffage utilisé. Cette solution en ligne peut être essayée gratuitement. Cette agence de conseil en stratégies RSE pour l’audiovisuel vient d’ailleurs de lancer un label “Production Responsable”, pour les entreprises de l’audiovisuel. Il évalue 20 critères à partir des référentiels ODD de l’ONU, ISO 20121 et l’ISO 26 000, et s’appuie sur les recommandations de l’ADEME et du CNC.
Dans une autre catégorie, mais tout aussi gratuit, le calculateur de l’Union de la Publicité Extérieure (UPE) permet quant à lui de connaître les émissions CO2 générées par une campagne d’affichage publicitaire.
4. Choisir une régie engagée

La régie publicitaire, c’est l’intermédiaire entre l’annonceur et le média diffuseur. Elle va donner forme à une campagne : Où diffuser ? Quels supports ? Quel volume ? Etc.
Pour éviter de submerger l’espace public ou médiatique de publicité, on peut passer par une régie publicitaire engagée. On entend par là une régie qui respecte la loi bien sûr (en matière de supports, de collecte de données…). Mais surtout une régie qui va aller au-delà de la règlementation, en prenant position. Elle peut par exemple avoir une gestion du budget publicitaire différente, plus solidaire. Ou imaginer des campagnes “raisonnées”, sur un volume plus réduit, plus ciblé.
C’est le cas de “La Bonne Pub” créée par Sébastien Ortega, qui utilise le contexte de diffusion pour mettre en avant les acteurs du changement et promouvoir des projets à impact positif. Nous avons d’ailleurs consacré un podcast à cette initiative, made in Montpellier ! On vous invite vivement à l’écouter si vous voulez en savoir plus.
5. Pratiquer le « refus de vente »

L’engagement des communicants impose aussi parfois de refuser de mettre ses compétences au service d’entreprises ou projets polluants. La pratique du « refus de vente » consiste ainsi à mettre des filtres à l’entrée en quelque sorte.
C’est ce que fait Give Actions par exemple, une régie publicitaire bruxelloise, pionnière de la « publicité positive ». Pour aller au bout de la démarche, elle a créé une charte de sélection des annonceurs qui lui permet d’opérer un tri parmi ses clients potentiels, en jugeant l’éthique du projet ou l’activité de l’entreprise elle-même, et aussi la portée écologique et sociale d’une campagne.
Ce cadre est intéressant, mais attention : on peut très bien ne pas respecter ses propres engagements. Pour pallier le risque de dérives de la seule « bonne volonté », Give Actions a fait le choix de s’appuyer sur un comité d’éthique externe, composé d’universitaires, de professionnels, d’associatifs, renouvelés chaque année. Ces derniers débattent et votent les projets et annonceurs avec lesquels Give Actions peut s’engager, au regard de leur charte.
Un modèle inspirant, qui peut faire bouger les lignes du secteur, en attendant un renforcement de la loi en matière de publicité écologique.
6. Soutenir une règlementation plus écologique du secteur

Si les initiatives individuelles vont dans le bon sens et sont absolument indispensables pour gonfler les voiles de la publicité positive, elles ne sauraient se substituer au droit « dur ».
Pour renforcer la loi en matière de publicité écologique, mener des actions de plaidoyer en faveur d’une plus forte réglementation est nécessaire, pour sanctionner les abus et faire que l’écoconception devienne la règle. Il existe 1001 manières d’engager ce type d’action : signer ou lancer des tribunes et pétitions à titre individuel, communiquer et faire pression auprès du législateur via des organismes de lobbying…
Les initiatives ne manquent pas. En cette fin d’année, on a en tête le collectif Communication & Démocratie, qui publie un rapport “La communication commerciale à l’ère de la sobriété” pour militer en faveur d’une taxation de la publicité par exemple. Autre exemple : le collectif de “Résistance contre l’Agression Publicitaire”, qui a lancé cette année une pétition pour éteindre les panneaux publicitaires numériques durant la crise énergétique.
7. Faire de la publicité solidaire

La publicité, c’est aussi un secteur économique très concentré, qui brasse des budgets, parfois pharaoniques. En parallèle, des petites entreprises de la transition, des associations sont peu visibles et manquent de moyens pour changer d’échelle.
Pour résoudre ce paradoxe, les professionnels de la pub peuvent créer des mécanismes de solidarité, qui financent des initiatives à impact positif. En reversant une partie du budget publicitaire de l’annonceur à des associations sous forme de dons, comme le fait Give Actions par exemple. Ou en proposant de diffuser des publicités qui, à chaque visionnage, reversent de l’argent à une association. C’est le but affiché par Goodeed qui se présente comme « une entreprise qui collecte des fonds pour les ONG en utilisant les revenus publicitaires générés sur Internet et mobile ». Côté diffuseur, la solidarité peut aussi prendre une autre forme : celle d’une visibilité plus grande offerte à de petits annonceurs, à grand impact positif.
Cette approche « solidaire » ne se limite d’ailleurs pas aux grands comptes, elle peut aussi inspirer les plus petites entreprises.
8. Ouvrir et investir des encarts pub dédiés aux ONG

On peut faire de la publicité à impact positif, encore faut-il qu’elle soit visible ! Pour cela, tout se joue du côté des diffuseurs et médias, ces vaisseaux amiraux qui peuvent donner une véritable impulsion au secteur. D’ailleurs, bonne nouvelle : certains ont déjà commencé !
C’est le cas de Radio France, qui ouvre depuis 2021 sur ses antennes 3 nouveaux espaces publicitaires pour rendre plus visible les acteurs de l’écologie. Le groupe accorde des encarts pub gratuits à 8 associations ou ONG sélectionnées chaque année sur candidature, en fonction d’un thème. En 2022-2023, c’est la biodiversité et les mobilités douces qui sont au programme.
Bien décidé à prendre un tournant environnemental, le groupe propose aussi des espaces publicitaires à tarif réduit : -40% pour les produits écoresponsables « sur la base des 100 labels environnementaux listés et recommandés par l’ADEME ». De quoi permettre à de plus petites structures d’accéder à des espaces, encore largement monopolisés par les très gros annonceurs.
9. Lutter contre le greenwashing

Agir pour une publicité positive, c’est aussi aller à la pêche au greenwashing, mais surtout le dénoncer, preuves et arguments à l’appui.
Pour cela, on peut d’abord déposer plainte auprès du Jury de la déontologie publicitaire (JDP), en cas de manquement à la loi ou au code de déontologie de la profession. Mis en place par l’A.R.P.P., avec le soutien de l’ADEME, ce jury professionnel est une entité « d’autorégulation ». Il n’a donc pas de pouvoir de sanction ou de poursuites judiciaires, mais ses avis sont généralement entendus dans la profession et ils servent d’avertissement.
La saisie du JDP est aussi un moyen de faire pression sur les marques. Associée à une communication publique, elle peut nuire à la publicité de l’annonceur. Le but : que le coût pour l’image de marque soit plus important que le bénéfice éventuel généré par la campagne.
Ces actions sont à la portée de tout le monde, mais il faut bien reconnaître que nous – professionnels de la communication – sommes particulièrement bien positionnés pour les mener, ou leur servir de porte-voix.
10. Rendre la sobriété et la décroissance désirable

Dans son Que sais-je « La Publicité » publiée en 2003, l’auteur et professeur Armand Dayan souligne : « La publicité est récupératrice : elle ne crée pas, elle amplifie ; elle n’invente pas, elle diffuse. » Si aujourd’hui, elle est utilisée si efficacement à des fins de croissance et de consommation, ne peut-on pas imaginer qu’elle encourage l’effet inverse à l’avenir ?
Pourquoi ne pas nous en saisir à notre tour, pour faire la promotion d’un monde plus durable ? D’un idéal de bonheur différent, basé sur modèle décroissant ? Avec à la clé la promesse d’une vie meilleure, de relations plus égalitaires, d’un air plus pur, d’un monde durable et végétal, foisonnant de vie.
“La parole publicitaire est le discours de la société sur son propre devenir.”
~
Bernard Cathelat
La publicité parle à nos émotions et ce qui est certain, c’est que l’écologie a tout à gagner en faisant d’elle son allié pour embarquer les foules. Dans un monde devenu anxiogène et face aux crises à répétition, l’humain a plus que jamais besoin de positif. Or, comme le souligne Thierry Libaert, « La publicité apparait comme étant le seul discours à nous proposer une vision du bonheur ». Alors … au boulot !